vendredi 29 avril 2011

L’œuvre de Jean-Louis Forain sur les cimaises du Petit-Palais



Les peintures, dessins et gravures de Jean-Louis Forain (Reims 1852 – Paris 1931) nous racontent l’Homme et les mœurs de la société française au tournant du XIXème et XXème siècle. L’exposition reprend les grands thèmes traités par l’artiste tout au long de sa carrière.


Fils d’un peintre en bâtiment et décorateur d’enseignes, le jeune Forain commence son apprentissage, au milieu des années 1860, en étudiant les grands maîtres exposés au Louvre et à la Bibliothèque impériale. Remarqué par le célèbre sculpteur Jean-Baptiste Carpeaux, il entre dans son atelier mais n’y reste qu’un an. En effet, suite à une malheureuse affaire de statue endommagée, il est rapidement exclu de l’atelier. Son père, furieux de l’incident, le chasse également. Sans le sou, il commence alors une vie de bohême travaillant à n’importe quel prix pour des réclames ou portraits après décès. Il se lie d’amitié avec Rimbaud et Verlaine qui le surnomment « Gavroche » et fréquente les poètes parnassiens.

L'Acrobate, v.1880,
Art Institute, Chicago
En 1877, une heureuse rencontre avec Edgar Degas lui ouvre probablement les portes pour exposer au « Salon des artistes indépendants », désormais connu comme « Salon des Impressionnistes ». Dans le quartier des Batignolles, au Café Guerbois ou à La Nouvelle-Athènes il fréquente Manet, Renoir, Pissarro, Sisley, Cézanne et des écrivains défenseurs du mouvement Impressionniste, tels Emile Zola ou Philippe Burty. Degas, plus âgé que Forain d’une vingtaine d’années devient son ami et son maître.
 
J-L Forain / Dans les coulisses
Dans les coulisses, v.1900, pastel et gouache, Petit Palais, Paris



La peinture de Forain rejoint à plus d’un titre l’art de Degas même si le style de Forain reste plus satirique. En effet, Forain reprend non seulement les thèmes de son aîné : les ballerines et les tutus des danseuses de l’Opéra, se préparant en coulisses ou dansant sur scène, les maisons closes, les réceptions bourgeoises, mais aussi ses couleurs, ses effets de matière et de lumière blanchâtre dus à la lampe au gaz. Il est tributaire également des cadrages abruptes, en contre-plongée, décentrés, coupant quelques figures en bordure. Ainsi en témoigne la Danseuse dans sa loge, vers 1890, conservée au Sterling et Francine Clark Institute à Williamstown ou Le Buffet de 1884 conservé en mains privées.

 J-L Forain / Le Buffet 93,5 x 148 cm, huile sur toile
Le buffet, 1884, coll. part.


J-L Forain/ Scène de prétoire, 60 x 72 cm, huile sur toile, vers 1905Forain se distingue néanmoins par sa verve satirique, son goût pour l’anecdote social et politique sous forme de critique. Le peintre est aussi dessinateur. Son style elliptique, ses traits aiguisés en angles perpendiculaires sont très reconnaissables. Une part importante de son œuvre s’accomplit dans l’illustration de livres ou de journaux. A quelqu’un qui lui demande : « Où sera votre prochaine exposition ? », il rétorque « dans les kiosques »*. Il collabore avec Le Courrier Français dès 1887, Le Figaro de 1891 à 1925. Les nombreux scandales (Panama, loi de séparation Eglise et Etat, Affaire Dreyfus) et la guerre de 14-18 apportent de l’encre à la plume du dessinateur ! Inspiré par Daumier, il dénonce aussi les mœurs, notamment la magistrature corrompue (Scène de Tribunal, 1907, Musée d’Orsay), la bourgeoisie vénale (« Les Affaires », publié en 1896 dans le Journal amusant) et les hommes libidineux allant chercher une proie en maison close (voir le fantastique dessin à l’aquarelle et gouache Le Client, 1878, conservé à la Dixon Gallery de Memphis.
Il illustre entre autres les poèmes de Baudelaire et le roman de Huysmans, Marthe, Histoire d’une Fille, dont le frontispice représentant l’héroïne s’affichant nue avec des bas rayés, apanage des filles de joie, est refusé par l’éditeur.


Le Client, 1878, Dixon Gallery, Memphis
Une salle de l’exposition est consacrée à la quête religieuse vers laquelle Forain se tourne en 1900. J’y ai beaucoup apprécié les trois gravures sur L’Enfant prodigue où son trait incisif et spontané et les zones d’ombres font penser à Rembrandt.

▼ Pour ma part, bémol de l’artiste lorsqu’il s’engage de manière antisémite lors de l’affaire Dreyfus.

Une exposition intéressante, longue, bien documentée, à voir donc ! … même si Jean-Louis Forain ne reste qu’un compagnon de route des grands maîtres impressionnistes.


Clara Dudézert

*Jérôme Coignard, J-L. Forain « La Comédie parisienne », Connaissance des arts, HS, n°483, p.8.

Exposition Jean-Louis Forain « La Comédie Humaine », au Petit Palais, jusqu’au 5 juin.
Entrée 5 à 10 €


dimanche 10 avril 2011

Une rencontre avec Jean Cocteau

J. Cocteau devant sa maison,
juillet 1963
Ou que faire par un beau dimanche ensoleillé ?...
Une petite virée en région parisienne, pour découvrir ou redécouvrir notre patrimoine!
Allons vers le sud, par l'autoroute du soleil, et arrêtons-nous un peu avant Fontainebleau, à Milly-la-Forêt.
Rien d'extraordinaire a priori, dans cette charmante petite ville, qui nous cache pourtant quelques petits trésors.
En effet, à peine arrivés sur la place du marché, on découvre une superbe halle en bois du XVème siècle, qui abrite, tous les deuxièmes dimanches du mois, quelques antiquaires venus déballer leurs merveilles de toutes les époques.




Maison de Jean Cocteau
Le salon

Après un déjeuner bien copieux, face à la place et à l'effervescence des habitants par ce premier beau dimanche d'avril, l'attraction principale de la ville est bien la maison que Jean Cocteau a habitée de 1947 jusqu'à sa mort, en 1963. Ouverte au public depuis juin 2010, grâce, notamment, à l'entreprise de Pierre Bergé, nous avons la possibilité de découvrir l'intérieur de la maison dans laquelle a vécu le poète avec son compagnon et fils adoptif, Edouard Dermit. Trois pièces laissées en l'état, ou presque, sont visibles : le salon, le bureau et la chambre, entièrement tapissée d'un tissu aux motifs léopard, où l'on peut encore sentir la présence de Cocteau, comme plongé dans l'écriture d'un poème ou laissant aller son crayon au gré de son imagination si fertile...


Jean Cocteau par Andy Warhol, 1983
Collection Pierre Bergé-Yves Saint-Laurent

Les autres salles présentent surtout des dessins et des photographies de Cocteau par lui-même, ou par d'autres artistes, devenus ses amis, comme Man Ray pour les photographies, mais également Christian Bérard, Bernard Buffet, Pablo Picasso, Amadéo Modigliani ou encore Andy Warhol !
Quelques extraits de ses films passent en boucle, laissant entendre des passages de texte scandés par Jean Cocteau (Orphée) ou par Lee Miller (Le Sang d'un poète).
La visite se termine par une vidéo de l'académicien racontant certaines anecdotes, comme Edmond Rostand perdant son monocle, ou sa mère rentrant du théâtre...
La sortie se fait ensuite par le jardin élégamment agencé où poussent encore des herbes médicinales, spécialité de Milly-la-Forêt, comme nous le verrons plus loin.






Chapelle Saint Blaise les Simples
Signé Jean Cocteau et daté 1959
En sortant de la maison de Jean Cocteau, encore empreints de la nostalgie d'une époque tourbillonnante, la route nous mène directement vers la Chapelle St Blaise des Simples. Au XIIème siècle, cette chapelle faisait partie d'une maladrerie servant à accueillir les lépreux. Les plantes qui y étaient cultivées avaient des vertus médicinales, et étaient appelées les simples. Le jardin qui entoure la chapelle rassemble d'ailleurs encore certaines de ces plantes à vocation curative. En 1959, la ville demanda à Jean Cocteau de peindre les murs de cette chapelle, qu'il décora d'immenses "simples", comme la gentiane, la colchique, ou encore la menthe poivrée de Milly. Au fond de la petite salle, dans un triangle, un portrait du Christ à la couronne d'épines ; de chaque côté deux portraits de profil, typiques du poète, représentant les anges gardiens, et au-dessus de cet ensemble, une fresque dépeignant une résurrection monumentale, fermée sur la droite par un ange des plus céleste...
Au sol, la pierre tombale sous laquelle repose Jean Cocteau et Edouard Dermit, et ces simples mots : "Je reste avec vous".

Le Cyclop

C'est avec beaucoup de recueillement que nous retournons vers la capitale, en n'oubliant pas de passer par la D 837 en direction d'Etampes, qui nous permet de découvrir, au milieu des bois, l'immense Cyclop, réalisé par Jean Tinguely et Niki de Saint Phalle dès 1969. Cette tête d'environ 22m de haut , recouverte dez miroirs et étincellant sous le soleil, n'est accessible que de mai à octobre, et nous n'avons donc pas pu avoir la joie de glisser sur la langue-toboggan du molosse.
La prochaine fois, ne pas oublier de consulter le site : http://www.lecyclop.com/ avant de partir !




Pour en savoir plus sur la maison de Jean Cocteau, rendez-vous sur le site : www.jeancocteau.net/
Le billet est couplé avec celui de la chapelle Saint Blaise des Simples.

Bonne visite! !

CR

vendredi 8 avril 2011

A propos du XXème Salon du Dessin à Paris …

Quelques lignes pour évoquer les dessins qui nous ont fait vibrer et rêver du 30 mars au 4 avril dernier au Palais de la Bourse.

L. Orsi

Pour les dessins italiens de la Renaissance, je mentionnerai à la Galerie Pandora l’extraordinaire Sainte Famille avec le petit Saint Jean par Aurelio Luini (Milan 1530 – 1593) de belle taille, exécutée à la plume et au lavis d’encre marron, et un Neptune sur son char brandissant un Trident par le bolonais Biaggio Pupini.

A la galerie De Bayser, L’Homme et le Satyre de Lelio Orsi (Novarella 1511 – 1587) est monstrueusement beau !


L. de La Hyre

 Côté XVIIème et XVIIIème siècle, c’est sans aucun doute la Galerie Eric Coatalem qui expose les plus belles feuilles. Travail préparatoire pour le tableau du Louvre La Malédiction paternelle. Le Fils ingrat, le spectaculaire Visage d’Homme de Jean-Baptiste Greuze (Tournus 1725 – Paris 1806) exécuté à la sanguine, fait l’effet d’une bombe. Pendant un temps, on ne voit que le visage du père maudissant son fils sur le stand du galeriste. Puis, l’œil se pose sur le dessin suivant : Le Sacre de Louis XVI par Jean-Michel Moreau le Jeune (Paris 1741 – 1814) dont l’intérêt historique du sujet, la qualité du trait et la virtuosité de la composition, car de nombreux personnages y sont figurés, sont évidents. Sur le mur d’en face, tout en vertical, La Présentation de Jésus au Temple par Carle Van Loo (Nice 1705 – Paris 1765) est une étude splendide pour l’un des quatre tableaux que l’artiste peignit pour la Chapelle de la Vierge à l’Eglise Saint Sulpice de Paris. Enfin, deux petits trésors de Laurent de La Hyre (Paris 1606 – 1656) : un Saint Jérôme et une Annonciation alliant classicisme et pureté, richesse du trait et raffinement des formes.  

C. Natoire
Une sublime Académie d’Homme nu de Raphaël Mengs (Aussig 1728 – Rome 1779), chez Arnoldi-Livie, déjà vu l’an passé, mais dont on ne se lasse pas !
On savoure comme un sucre candy le pastel du Jeune Homme offrant un Bouquet de Fleurs par Charles Natoire (1700 – 1777) chez les De Bayser …

A la galerie Paul Prouté, des dessins de grande qualité bien sûr, mais que de déjà vu … et de grâce, L’Amour Rameur avec sa Rame cassé par Pierre Paul Prud’hon (Cluny 1759 – Paris 1823), œuvre préparatoire pour Le Rêve du Bonheur, conservé au Louvre, on l’a assez vu depuis 2009 !!!

G. Gandolfi
Côté « British Dealer », chez Stephen Ongpin Fine Art, j’aime la frimousse ronde et douce, la féminité de la coiffure d’un Profil de jeune Femme exécuté par Gaetano Gandolfi (1734 – 1802)


Etonnante, la Tête d’Homme d’Edgar Degas (Paris 1834 – 1917) réalisée au fusain, à voir chez le Galeriste suisse Arturo Cuéllar.
On terminera par l’imposante aquarelle d’Henri Harpignies (1819 – 1916) de L’Ile de la Cité présentée par la Galerie de la Scala.

H. Harpignies



« Ah ! si j’eusse été millionnaire …. »

Clara Dudézert

Dessins italiens de la Renaissance au Musée des Beaux-Arts de Caen

G. Romano, Géant écrasé par un Rocher

En parallèle au Salon du dessin, l’exposition L’Oeil et la Passion a ouvert ses portes le 19 mars et encore trop peu de journalistes ont évoqué cette magnifique sélection de dessins.

Les trois Commissaires, Patrick Ramade, Directeur général du Musée, Catherine Monbeig-Goguel, Directeur de Recherche émerite au CNRS et membre du Département des Arts graphiques au Louvre, et Nicolas Schwed, ancien Directeur du Département des Dessins anciens chez Christie’s et historien de l’art spécialiste de l’œuvre de Ferraù Fenzoni ont choisi les feuilles présentées à partir de trois critères : la qualité du trait, l’importance historique et l’état de conservation. Ainsi les soixante-dix œuvres exposées représentent le meilleur des dessins italiens de la Renaissance conservés en mains privées.

Un seul collectionneur sur les vingt-huit prêteurs a accepté de sortir de l’anonymat. L’acteur Alain Delon, dont la passion pour les dessins anciens est connue de longue date, a prêté deux œuvres : un dessin double-face de Domenico Beccafumi (Sienne 1486 – 1551), artiste rare sur le marché de l’art, et l’extraordinaire Géant écrasé par un Rocher de Giulio Romano (Rome 1499 – Mantoue 1549). Ce dessin préparatoire fut probablement exécuté vers 1530 pour que les collaborateurs de l’artiste réalisent le fameux décor en trompe l’œil de la Camera dei Giganti (Chambre des Géants) du Palazzo Te à Mantoue. Les fresques maniéristes illustraient l’épisode tiré des Métamorphoses d’Ovide de la Chute des Géants. Ces derniers tentaient de conquérir le Mont Olympe en empilant des rochers pour atteindre les Dieux. Ils furent punis par le foudre de Jupiter et tombèrent écrasés sous les rochers. C’est le visage grimaçant et monstrueux du géant sous les pierres qui est représenté ici avec brio.

Le parcours de l’exposition suit une logique chronologique de « l’héritage des grand maîtres de la Renaissance » à « l’éclosion de la Contre-Réforme » en passant par le Maniérisme, le Paysage et Venise. Si la quasi-totalité des dessins mériteraient que l’on s’y arrête, je signalerai quelques autres trésors.


B. Franco, Neptune sur son Char

La feuille représentant Neptune sur son Char au recto et Neptune guidant son Char sur la mer, un paysage montagneux dans le fond, un arbre sur la droite au verso, exécutée par Battista Franco (Venise 1510 – 1561) est parfaitement mise en valeur au centre de la salle sur Venise. On tombe immédiatement sous le charme du Dieu des Mers et Océans, au corps musclé dont la vivacité du trait à la pierre noire, côté recto, traduit la force et la puissance du personnage légèrement déséquilibré vers l’arrière par les mouvements de l’attelage. L’artiste rend brillamment la tension des membres de son corps et la crispation de sa main droite autour du trident.


G. Vasari, Sainte Famille

Dans la Sainte Famille avec Sainte Elisabeth et le petit Saint Jean, Giorgio Vasari (Arezzo 1541 – Florence 1574) présente le groupe sur un même plan, sans profondeur, comme pour un bas-relief, présentation « significative du goût florentin » de cette époque comme le souligne Catherine Monbeig-Goguel dans la notice du catalogue. L’épisode de la Passion du Christ est évoqué par l’effroi de l’Enfant Jésus se réfugiant dans les bras de sa mère à la vue de saint Jean agenouillé le regardant.

Plus cocasse, les têtes de grotesques sur papier bleu parfois léonines, angéliques ou dionysiaques par Battista del Moro…

Je finis par l’élégante et simple beauté du Paysage montagneux avec une Ville au bord d’un Lac de Giulio Campagnola (Padoue v. 1482 – Venise v.1515). La minutie des traits de plume brune, des hachures et pointillés confèrent un bel effet de lumière au paysage, un dynamisme certain, et soulignent le caractère très achevé de ce petit chef d’œuvre.   
G. Campagnola, Paysage montagneux avec une Ville au bord d'un Lac

Ayant eu la grande chance de faire la visite des collections permanentes avec le Conservateur du Musée, je ferai ici une petite parenthèse « peinture » !

En sortant de l’exposition temporaire, ne manquez pas quelques tableaux incontournables : Le Mariage de la Vierge du Pérugien, les sublimes Natures mortes de Fleurs sur Entablement de Monnoyer ou de Fleurs dans un Vase doré de Blin de Fontenay, La Tentation de Saint-Antoine par Véronèse, Abraham et Melchissédech, tout juste restauré, par Rubens et enfin, exécuté par Philippe de Champaigne, Le Christ et la Samaritaine et l’immense Louis XIII devant le Christ et la Vierge à l’origine dans le chœur de Notre-Dame de Paris. 

Clara Dudézert

Exposition L’Oeil et la Passion. Dessins italiens de la Renaissance dans les collections privées françaises Musée des beaux-arts de Caen. Château. Jusqu’au 20 juin.

A lire : Catalogue de l’exposition L’Oeil et la Passion. Dessins italiens de la Renaissance dans les Collections privées françaises, Musée des Beaux-arts de Caen, Somogy, Paris, 2011. 29€

Pour prolonger la lecture : Catalogue d’exposition De la Renaissance à l’Age baroque. Une Collection de dessins italiens pour les musées de France, Musée du Louvre, RMN, Paris, 2005. Prix cassé à 12€ à la librairie du Louvre.

mercredi 6 avril 2011

41 966 512 € frais compris...

Le château de Gourdon
C'est le montant récolté lors de la vente du château de Gourdon par Christie's, du 29 au 31 mars 2011.

Son propriétaire, Laurent Négro, avait amassé pendant des années des objets d'art du 20ème siècle, et plus particulièrement des oeuvres Art déco et modernistes, qu'il présentait au public dans ce domaine médiéval.

Près de 900 lots composaient cette vente, pour une estimation de 30 à 40 millions d'Euros environ.


Les plus grands noms de l'Art déco étaient bien sûr au rendez-vous : Ruhlmann, Chareau, Dunand, mais également les modernistes, dont la cote était encore à prouver : Francis Jourdain, Eileen Gray, Mallet-Stevens...

Et les acheteurs étaient bien présent, amassés dans une des grandes salles encore en friche du Palais de Tokyo, et au téléphone, avides d'obtenir l'une des pièces ayant appartenu au Maharadjah d'Indore, ou provenant de collections prestigieuses, comme celle des Hebel.
Deux ensembles ont été préhemptés par l'Etat, l'un de Mallet-Stevens, provenant de la villa Cravois,et l'autre par Pierre Chareau, qui ira rejoindre les collections du musée des Arts décoratifs à Paris.
Quelques oeuvres seulement ont fait grimper les enchères, comme un meuble dit 'cave à liqueur Nicolle', de Ruhlmann, estimé 300 à 400 000 € et remporté pour la modique somme de 1 280 000 € sans les frais!

Mais le lot phare de la vente, une table à jeux avec ses quatre chaises, dessinée par Jean Dunand pour Madeleine Vionnet, estimée 3 à 5 millions d'Euros est restée, à la surprise de tous, invendue à 2 600 000 €...


Jean Dunand, Table à jeux
En effet, contrairement aux espérances de la maison de vente et du vendeur, les prix n'ont pas flambé, comme ils ont pu le faire lors de la vente Yves Saint-Laurent - Pierre Bergé en février 2009, en pleine crise : l'estimation haute avait été très largement dépassée pour la collection d'Arts décoratifs...
Et il est important de noter que la grande majorité des pièces présentées ont été achetées aux enchères ou dans de grandes galeries parisiennes ou américaines, souvent surpayées, et que la plupart ont été acquises récemment...

La suite au mois de juin 2011, pour le reste de la collection.

Les résultats de la vente sont disponibles (avec les frais) sur le site de Christie's : Les collections du château de Gourdon

lundi 4 avril 2011

Trois verriers aux Arts déco

Je n'ai pas cherché à lire les biographies des trois artistes, ni les avis des conservateurs.
J'ai préféré me laisser envahir par les couleurs, les formes et les matières, qui sont au centre de cette exposition regroupant trois artistes verriers contemporains actifs à Venise, aux styles très différents.

Cristiano Bianchin cherche à faire disparaître la nature même du verre qu'est sa transparence. Il nous présente des sculptures s'apparentant à de l'ébène poli voire même à de la pierre, prenant successivement la forme de totems (Jarre Chrysaliforme, 2005) ou d'urnes surplombées de personnages africanisants...
Mais pourquoi chercher à transformer l'essence même du verre quand il est votre principal outil de travail?


Laura de Santillana, petite-fille de Paolo Venini, quant à elle, exploite davantage les aspects caractéristiques du verre et de la couleur, qu'elle présente en bandes horizontales superposées, à la manière d'un Rothko (Flag 1, 2008). Ses formes épurées créent des sculptures abstraites, à poser sur un meuble pour laisser la lumière jouer avec la transprence des couleurs (Tokyo-Ga XIV, 2008), ou des formes organiques à laisser au sol, comme des éléments mystérieux où le verre est de nouveau mis au second plan (Bodhi, 2006)...




A mon sens, le japonais Yoichi Ohira est le seul des trois à avoir réussi à exploiter avec brio toutes les possibilités offertes par le verre : sa transparence, ses déformations, ses jeux de couleur et de lumière, pour donner vie aux quatre éléments que sont l'eau, le feu, la terre et l'air.
Comment ne pas rester les yeux plongés dans les fenêtres ouvertes sur des sortes de kaléidoscopes de murines de couleur, tourner autour des océans tourbillonnants de lave ou d'eau (Coulée de lave, 2005 ou Mouvements d'eaux de M. Giacomo, 2002) s'achevant par une minuscule ouverture, semblable à une queue de pomme, ou encore demeurer perplexe face aux "vases dans les vases" aux déformations et mouvements subtiles ? (Cristallo Sommerso Quintet, 2009)

A voir, à revoir, pour tourner autour, rêver et s'émerveiller...

CR

Musée des Arts décoratifs, jusqu'au 4 septembre 2011.

Messerschmidt ou la soupe à la grimace !

Extra-ordinaire. Cette courte exposition propose une trentaine d’œuvres du sculpteur allemand, actif à Vienne, Franz Xaver Messerschmidt (1736 – 1783) ; Ses étonnantes « têtes de caractère »* ont la particularité de ne ressembler à aucune autre !


Franz Xaver MESSERSCHMIDT, Tête de caractère, R.F. 4724Franz Xaver Messerschmidt, L’Homme de mauvaise humeur, 1771-1783  Paris, musée du Louvre, R.F. 4724
L'homme de mauvaise humeur,
vers 1770/80
plomb et étain,
Musée du Louvre, Paris


       Le contraste est grand. Si l’on se penche sur le début de la carrière de l’artiste, on se rend compte que ses premières sculptures sont imprégnées du plus parfait classicisme. Elève à l’Académie royale des Beaux-Arts de Vienne puis nommé en 1769 Professeur adjoint, il mène en parallèle une brillante carrière de portraitiste représentant des membres de la Cour et d'autres personnes célèbres.  


Franz Xaver Messerschmidt : " Un fou évident " 1770 Albâtre © Galerie du Belvédère - Vienne
Un fou évident, 1770, albatre,
Galerie du Belvédère, Vienne


      Lorsqu’il est exclu de l’Académie en 1774 en raison de troubles du comportement, il part en Bavière où il exécute une grande partie de ses têtes exprimant une époustouflante originalité. Des bustes aux visages grimaçants ou illustrant un tempérament, exclusivement masculins, sont réalisés en albâtre, métal ou étain. Il paraît qu’il se regardait dans un miroir, se pinçait le corps en faisant diverses grimaces pour les reproduire ensuite. Son travail est inspiré par des travaux* contemporains de J. C. Lavater (1741-1801), célèbre physiognomoniste, visant à élaborer une théorie du comportement d’un sujet donné en observant les traits du visage. L’exposition montre que certaines de ces têtes sont à rapprocher également des dessins de Charles Le Brun, dont les travaux sur l’expression des passions avaient été à la base de l’enseignement académique au XVIIème siècle.


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Homme qui pleure comme un enfant,
Vers 1770/80
étain et plomb,
Budapest


Expression de peur, folie, crispation, étonnement … chaque élément du visage le signifie ; une belle illustration du génie de cet artiste hors-norme exprimant les tourments de l’âme humaine. 

Homme qui baille




A voir absolument, même avec des enfants à partir de 5 ans, exposition grand public.

* nom posthume
* Les résultats des observations et nombreuses planches de Lavater furent consignées dans deux ouvrages : Fragments de la Physionomie, (1775 – 1778), qui le rendit célèbre, et L’art de connaître les hommes par la physiognomonie, 1820.


Clara Dudézert


Exposition Franz Xaver Messerschmidt, Musée du Louvre, aile Richelieu, jusqu’au 25 avril.
Ouvert tous les jours sf mardi, de 9h à 18h, nocturne jusqu’à 22h le mercredi et vendredi. Entrée : 10 € musée et exposition.

dimanche 3 avril 2011

Un projet en péril : la Fondation Louis Vuitton - Le coup de coeur du mois de mars de Charlotte

Projet pour la Fondation Louis Vuitton, vue de nuit
Le 8 août 2007, la Fondation Louis Vuitton pour la création avait enfin obtenu le permis de construire un "espace nouveau qui place la création au coeur de la cité", dans le Jardin d'Acclimation à Paris, sous la houlette de l'architecte américano-canadien Frank Gehry, déjà mondialement connu, notamment pour son antenne espagnole du musée Guggenheim à Bilbao.
(Voir le communiqué de presse de la Fondation Louis Vuitton qui explique le projet : http://www.lvmh.fr/images/comfi/FondationLV_FR.pdf.)

Mais 1 an et demi après le début des travaux, la Fondation est de nouveau* montrée du doigt par les membres de la Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne, qui ont obtenu du tribunal administratif de Paris l'annulation le 20 janvier 2011 de ce permis de construire.

En effet, en juin 2010, des modifications ont été apportées au règlement des plans d'urbanisme. Est reproché au bâtiment de ne pas être suffisamment en retrait et isolé par une installation paysagère d'une voie publique du Jardin, voie qui, d'après la ville de Paris, n'aurait "ni le statut ni la fonction" d'une voie publique.

Mais les travaux étant déjà bien avancés (les fondations et la colonne vertébrale en béton ont déjà été érigés), il n'est certainement plus possible de faire marche arrière, et la Fondation devra attendre les résultats de l'appel de ce jugement fait par la ville de Paris.

L'inauguration de la Fondation, initialement prévue pour 2010, qui devait être déjà reportée une première fois en 2012, ne devrait avoir lieu que mi-2013...

Bernard Arnault serait-il en train de subir le même sort que son concurrent François Pinault avec l'affaire de l'île Seguin ? La France a déjà loupé le coche avec cette dernière affaire, allons-nous de nouveau décevoir nos mécènes et collectionneurs français ? Quel est le but des adversaires de la Fondation ? Empêcher les Français (et les Parisiens en particulier) d'avoir accès facilement à des expositions qui favoriseraient la diffusion de l'art et des artistes contemporains français , uniquement parce que "la place d'un musée est sur un terrain constructible et pas sur un terrain qui n'est pas prévu pour cela" ? Quand cessera-t-on de s'opposer systématiquement à tout ce qui est nouveau ? 

Chantier de la Fondation Louis Vuitton au 5 janvier 2011

Les membres de la Coordinations pour la sauvegarde du bois de Boulogne, qui voulaient empêcher la construction de ce musée de verre et de béton, vont-ils se retrouver avec des grues et des armatures informes sortant d'un terrain laissé à l'abandon, en attendant la décision du tribunal, qui pourrait prendre des mois, voire des années?

Affaire à suivre...

CR


* En février 2009, le permis de construire de la Fondation avait déjà été remis en cause par une modification du plan local d'urbanisme relatif aux espaces verts.

Du nouveau :

L'affaire avance, et le 15 février 2011, les députés français ont voté deux amendements déclarant d'utilité publique le bâtiment de la Fondation Vuitton. Arriveront-ils à faire pencher la balance?
Quand pourront reprendre les travaux?
Nous restons à l'écoute...