Château de Chantilly. Vue depuis l'entrée principale photo :Clara Dudézert |
Le Château de Chantilly ne consacre qu’une seule salle pour traiter de ce vaste sujet. Cette exposition ajoute à votre visite du Musée Condé, après la Galerie des peintures, une parenthèse des plus intéressantes sur le goût français pour l’exotisme au début du XVIIIe siècle, et plus particulièrement à Chantilly.
Le goût pour l’Extrême-Orient naît à la fin du XVe siècle. Il se développe sous le règne de Louis XIV avec la création de la Compagnie Française des Indes Orientales, créée en 1664 par Colbert, permettant l’importation de Chine et du Japon de porcelaines, tissus, d’objets et meubles en laque, mais aussi avec les visites, en 1682 et 1686, des Ambassadeurs de Siam apportant à la Cour de France des centaines d’objets d’art en provenance d’Asie.
Louis-Henri, Duc de Bourbon, (1692-1740) @ photo wikipedia |
Louis-Henri, duc de Bourbon, prince de Condé (Versailles, 1692 – Chantilly, 1740), arrière-petit-fils du grand Condé, cousin du roi Louis XV, est alors un des hommes les plus puissants du Royaume. Tombé en disgrâce à la Cour et contraint de s’exiler à Chantilly, ce riche collectionneur installe un laboratoire de chimie afin de procéder lui-même à des essais de créations de porcelaine. C’est au sein même du château, dans l’appartement nommé « Hôtel Péquin » qu’il y travaille.
En 1730, le duc de Bourbon apporte les capitaux pour créer une manufacture à l’ouest du château, quartier que l’on nommera alors « le petit Chantilly », et engage Cicaire Cirou pour son savoir-faire acquis lors de ses dix années d’expérience passées à la Manufacture de Saint-Cloud protégée par Philippe, Duc d’Orléans et spécialisée dans la porcelaine « à l’imitation de la Chine ». En 1735, la Manufacture de Chantilly se voit octroyer par le roi, le monopole et privilège de fabriquer exclusivement de la porcelaine « à l’imitation du Japon ».
Seau à bouteille, "Chinois jouant au cerf-volant"OA10299 (C) RMN (Musée du Louvre) - @Jean-Gilles Berizz |
Le duc de Bourbon et Cicaire Cirou sont considérés comme les co-fondateurs de la Manufacture qui produit, jusqu’en 1753, de la porcelaine de grande qualité, à pâte « tendre » (sans kaolin), aux couleurs et motifs Kakiemon (une palette de couleurs restreintes -rouge, jaune, bleu, vert- de qualité « contournée », c'est-à-dire avec un contour noir autour des motifs).
Ecritoire en forme de singe (C) RMN (Sèvres, Cité de la céramique) - @Martine Beck-Coppola |
Vous verrez donc le style Kakiemon envahir soucoupes, pots à tabac, jattes, tasses et même des couverts… ainsi que des petits animaux à décor polychrome au naturel (biches, lynx, singes…) et pourrez imaginer notre Cicaire Cirou, dans « le petit Chantilly » recopiant les motifs d’après les porcelaines japonaises conservées dans les collections du duc.
En entrant dans la salle, à droite, est exposé un album exceptionnel, le « Livre des Desseins chinois » (1735) réalisé par le peintre Jean-Antoine Fraisse, au service de la Manufacture de toiles peintes, elle aussi créée par le duc de Bourbon. Gravés en taille-douce et coloriés, les dessins illustrent des modèles tirés des porcelaines asiatiques et des indiennes importées d’Extrême-Orient. Ce livre était un autre moyen d’inspiration pour les artisans au service du prince, notamment pour les porcelaines.
D’ailleurs, la démonstration est vite faite si l’on regarde les deux sceaux à bouteille, à gauche de l’album. La « Scène de marché » représentée dans l'album, est à peu de détails près la même que celle ornant le sceau, conservé en mains privées ; de même pour la scène du « Chinois jouant au cerf-volant ».
On peut se demander pourquoi la Manufacture n’ajoutait-elle pas un peu d’or sur ses porcelaines (histoire d’être plus chic) ? La réponse est simple : seule la Manufacture de Vincennes – Sèvres avait ce privilège !!!
La deuxième production de Chantilly, celle débutant en 1753, n’est pas représentée dans cette exposition, puisque la découverte d’une nouvelle couverte entraine une nouvelle palette de couleurs dit « de petit feu », d’une plus grande subtilité chromatique, qui s’adaptera mieux au style rocaille.
Christophe Huet (1700-1759) Paysage avec singe attaquant un perroquet ara 1735 H/T, 268 x 108 cm Chantilly, Musée Condé, inv. 401-6 (C) RMN / Hervé Lewandowski |
Nous l’avons vu plus haut, le duc de Bourbon créa également une Manufacture de toiles peintes malgré l’interdiction qui avait été faite entre 1686 à 1759. Des broderies sur satin vous surprendront par la qualité du travail de cette Manufacture.
Est également exposé l’un des dix grands panneaux exécutés par le peintre animalier Christophe Huet en 1735, composé d’animaux exotiques, singes, perroquets, oiseaux de paradis, probablement inspirés de la Ménagerie de Chantilly ou Versailles, sur un fond de paysage asiatique avec pagode.
La collection du duc de Bourbon comportait de nombreuses pièces en laque du Japon… et comme pour la porcelaine, le XVIIIe siècle chercha aussi à imiter la technique ! Le duc de Bourbon créa donc une … troisième manufacture, de laque cette fois ! De ces créations, il ne reste que peu de traces, ces dernières ayant quasiment toutes disparues durant la période révolutionnaire.
Exposé dans les Grands appartements du château en 1740, un joli coffre en laque du Japon (1675) avec un décor de poules, coq et poussins picorant, est présenté à la sortie de la salle.
A voir jusqu’au 1er janvier 2012 !